Les vieilles tiges de l'aviation belge

W/O Jean Groensteen - BACK HOME, 58 YEARS LATER

Au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée le 8 avril à 14,30 heures, les restes du Warrant Officier (Adjudant) Jacques GROENSTEEN, tombé le 20 avril 1945 à Malz près d’Oranienburg, à 60 km au nord de Berlin, furent inhumés à la Pelouse d’honneur de la Force Aérienne au cimetière de Bruxelles en présence de Monsieur André Flahaut, ministre de la Défense, du Chef de la Défense, le général Van Daele, des autorités de la Composante aérienne de la Défense, du président de la Fédéra-tion Nationale des Anciens de la Royal Air Force et de la South African Air Force, le lieutenant général aviateur e.r. Baron Mike Donnet, DFC, de vétérans des Squadrons 349 et 350 et de Monsieur Jean Kamers, président des Vieilles Tiges de l’Aviation belge et président du Comité de la Pelouse d’honneur de la Force Aérienne. Jacques Groensteen repose à côté de son frère Claude, navigateur, qui trouva la mort durant son entraînement au Canada le 16 septembre 1944.

Le 20 avril 1945, le 350 Squadron qui fait partie du 125 Wing de la 2d Tactical Air Force (TAF), est basée à Celle, aérodrome de la Luftwaffe récemment conquis par la 2ème Armée britannique. Les pilotes effectuent des missions de chasse dans la région de Berlin investie par les Forces terrestres so-viétiques. Le soir de ce jour, un Flight de six avions du Squadron 350, aux ordres du Flight Lieutenant Robert Muls, est désigné pour une mission de chasse au-dessus de la zone soviétique. Le Flight comprend, en plus de Muls, deux pilotes britanniques, Hawforth et Watkins, ainsi que les pilotes belges M. Doncq, A. Kick et Jacques Groensteen.

Au-dessus de la petite ville d’Oranienburg, à 30 kilomètres au nord de la capitale du Troisième Reich, la formation rencontre 16 Fw190 qui arrivent de la région de Breslau pour défendre le secteur en-vahi par les Forces soviétiques. Un combat aérien se déroule à basse altitude et les Spitfire XIV de nos pi-lotes s’avèrent nettement supérieurs aux chasseurs ennemis : 4 Fw190 sont descendus par les nôtres qui comptent également un avion probablement dé-truit et deux endommagés.

Dans la mêlée, Jacques Groensteen suit au ras du sol un chasseur alle-mand qui est à sa portée. La zone est boisée, marécageuse et désertique. Son avion accroche un arbre et entre avec férocité dans le sol.

Aucun des cinq coéquipiers n’a vu ce qui s’est passé. Ils ne peuvent en donner aucune explication. Un témoin allemand a vu, lui, cet avion de la RAF s’écraser dans les bois, mais la région est aux mains des Soviétiques. Ils feront de la zone un camp d’entraînement pour leurs blindés stationnés dans cette région. La situation se prolonge jusque dans les années 90, quand à la chute du mur de Berlin, les troupes russes retournent dans leur pays et que les deux Allemagnes sont réunifiées.

A ce moment, le témoin peut parler et raconter le drame dont il fut témoin. Sur ses dires, une équipe de recherche d’épaves d’avions de la région, découvre en 1999 les débris de ce que fut le Spitfire. Cette équipe s’est spécialisée dans la recherche et l’identification des avions de toutes nationalités tombés au cours de la 2ème Guerre mondiale, dans les environs d’Oranienburg.

A bord de l’épave retrouvée se trouve encore les restes du pilote. Après deux années de recherches, y compris des tests ADN, il est établi qu’il s’agit bien de Jacques Groensteen, manquant depuis le 20 avril 1945. Tout fut mis en œuvre pour rapatrier notre ami disparu et de l’ensevelir à la Pelouse d’honneur de la Force Aérienne au cimetière de Bruxelles.

La cérémonie du retour de ces restes s’est déroulée le 5 février 2003. Y participaient, en plus des membres de la famille, des anciens de la RAF, dont trois avaient servi au 350 Squadron, le major aviateur Gremez, commandant de la 350ème escadrille du 2ème Wing Tactique et deux pilotes, le général major aviateur Singelé, représentant la Composante aérienne et le colonel aviateur Léonard, commandant du 2ème Wing de Florennes.

Les anciens de la RAF présents étaient, outre le président de la Fédération, Mike Donnet, Robert Laumans et Robert Bladt, anciens du 350 Squadron. Firent également partie du voyage, Albert Laforce, Gustave Rens et Léon Rubin. Jacques Groensteen fit partie des deux Squadrons belges de la RAF. L’ambassadeur de Belgique à Berlin, S.E. Lode Willems et l’Attaché de la Défense, le colonel Y. Van den Bosch, ainsi que Monsieur Jaupart, représentant le ministre de la Défense étaient également présents. La presse s’était associée à l’événement ainsi que la télévision. Deux clairons de la Musique Royale de la Force Aérienne avaient également fait le déplacement.

Au cours d’une cérémonie en l’église évangélique d’Oraniënburg, le représentant du bourgmestre a retracé les difficultés que le groupe de recherche avait rencontré pour parvenir à identifier l’avion (1) et surtout le pilote. Il a expliqué le rôle de cette association appelée « Destin des pilotes de chasse ». Il a souligné avec une certaine émotion « qu’on ne pouvait pas comprendre ce que fut le désespoir des parents de rester sans nouvelles d’un être cher, disparu au combat. Ce désespoir fut partagé par des millions de familles pendant le 2ème guerre mondiale ». Après que l’aumônier principal de la Composante aérienne, Marc Lateur eut évoqué la portée spirituelle de la cérémonie, notre hymne national fut écouté avec recueillement et les clairons y ajoutèrent une note d’émotion.

Un déjeuner rassembla les participants dans un hôtel de la ville avant le départ pour l’aérodrome de Tegel et le retour en Belgique de la délégation qui escortait les restes de l’infortuné pilote.

Le retour s’effectua comme l’aller à bord d’un Embraer du 15 Wing. Le ministre Flahaut, le Group Captain Bullen, Attaché de l’Air britannique, le Chef de la défense, le général Van Dael, les généraux de la Composante aérienne Buysse et Audrit étaient présents sur le tarmac de Melsbroek pour accueillir les restes du Warrant Officer Jacques Groensteen.

Une courte cérémonie précéda le départ du cercueil vers une chapelle ardente à Evere où il repose jusqu’à son inhumation à la pelouse d’honneur.

Pour le Warrant Officier Jacques Groensteen, l’enterrement dans son pays est une heureuse issue après la mort tragique de cet homme qui sera présent dans nos mémoires. Une plaque commémorative sera installée au lieu où il trouva la mort.

(1) C’était le Spitfire XIV immatriculé NH686-MNV

(2) Ce texte est extrait de la revue trimestrielle de la Fédération Nationale des Anciens de la RAF & SAAF ­ 2ème trimestre 2003 que nous remercions.