Les vieilles tiges de l'aviation belge

Victor Boin, aviateur, médaillé olympique, journaliste sportif et aéronautique

Michel Mandl et Alphonse Dumoulin

I. La personnalité

Né à Bruxelles le 28 février 1886.
Décédé à Bruxelles le 31 mars 1974.
Major aviateur de réserve honoraire.
Membre des Vieilles Tiges de l'Aviation belge.

Sa carrière aéronautique militaire

  • Engagé aux autocanons mitrailleuses pour la durée de la guerre en février 1915. Il passe au Corps de l'Aviation Militaire le 23 mai 1915 pour devenir pilote.
  • Formation sur avion biplan Jéro Farman HF 20 à Beau-Marais (Calais).
  • Brevet de pilote civil: N° 3581 délivré par la Commission sportive de l'Aéronautique le 22 mai 1916.
  • Septembre 1938: commandant de la 7ème escadrille de l'Aéronautique militaire.
  • Mobilisé le 28 août 1939 dans les Troupes Auxiliaires d’aéronautique à l'Etat-Major Général d'Evere. Démobilisé en août 1940.


Victor Boin, après cinq mois au front

II. Biographie

Humanités scientifiques à l’Athénée royal d’Ixelles et à l’Institut Simon Stévin.

Dès son plus jeune âge, Victor Boin pratique différents sports et participe à de nombreuses compétitions nationales et internationales en natation et water-polo. On notera qu'à l'âge de 11 ans déjà, il se distingue à Ostende, en se jetant à la mer pour sauver une jeune femme de la noyade.

En 1904, il satisfait aux examens d'entrée à l'Ecole Militaire, mais préfère démarrer sa carrière professionnelle dans le journalisme. C'est ainsi qu'il collabore à la rédaction de plusieurs revues, périodiques et journaux.

Adepte du patinage et du hockey sur glace, il s’essaye également aux sports moteurs, motocyclette et automobile ainsi qu'aux sports plus virils, la boxe et le jiu-jitsu.

En 1908, il remporte une première médaille (d'argent) aux Jeux Olympiques de Londres en water-polo. Il récidive quatre ans plus tard et remporte cette fois une médaille de bronze.

Mêlé dès son enfance à la vie de théâtre et de la musique par son grand-père maternel (Camille Durieux), il part pour la France au cours de cette même année 1908, pour s'occuper pendant deux ans du théâtre de St- Etienne,

Quelque temps plus tard, Victor Boin se découvre une nouvelle passion: les airs. Il effectue plusieurs vols en aérostats et fréquente régulièrement les milieux de l'aviation.

Agé de 27 ans, Victor Boin épouse Georgette Loyer, à Bruxelles, le 27 septembre 1913. C'est une artiste dramatique parisienne.

Survient la guerre. Victor Boin qui vit à Paris au début du conflit, n'hésite pas, malgré son récent mariage et la naissance de son fils Camille, à se porter volontaire. Il est engagé en février 1915 dans le Corps des autocanons mitrailleuses, mais dès le 23 mai, le sergent Boin est muté dans le Corps de l'Aviation Militaire pour devenir pilote.

Victor Boin effectue sa formation sur avion biplan Jéro Farman HF 20 à Beau-Marais (Calais), avec comme moniteur belge, René Vertongen. Sa première et unique affectation opérationnelle l'amène dans une escadrille d'hydravions à Calais. La mission consiste à survoler la Manche à la recherche de mines et de navires ennemis au départ de Dunkerque et de Calais.

A bord de son hydravion Schreck, un triplace de reconnaissance, Victor Boin effectuera un nombre impressionnant de missions. Une maquette de cet appareil, dont seuls quatre exemplaires furent fabriqués, se trouve à la Section Air du Musée de l'Armée au Cinquantenaire.

Le 5 juillet 1918, Boin reçoit pour mission de se rendre en Angleterre avec nos souverains comme passagers. Le lieutenant Orta vole avec S.M. le Roi Albert, tandis que l’adjudant Boin prend à son bord S. M. la Reine. C'est un vol historique: il s'agit du premier franchissement aérien de la Manche par des souverains.

Le 11 septembre 1918, Victor Boin est commissionné au grade de sous-lieutenant.

A la fin de la guerre, il restera encore quelques années au service de l'Aéronautique Militaire. Il profite de cette période pour reprendre ses activités sportives et participer à diverses compétitions aériennes. C'est ainsi qu'en 1920, il remportera avec Jean Stampe comme pilote, les concours de navigation, de bombardement et d'atterrissage organisés dans le cadre du meeting d'aviation à Evere-Haren.

C'est au cours de cette même année 1920 que Victor Boin entre dans la légende. C'est à lui que revient l'honneur de prononcer aux Jeux Olympiques d'Anvers, les célèbres paroles du serment par lequelle s'ouvriront tous les Jeux. Mais une fois de plus, Boin ne se contente pas de figurer. Il remporte en escrime par équipe, une troisième médaille (d'argent cette fois). La fin des Jeux coïncide avec sa nomination au grade de lieutenant (septembre 1920).

En juin 1923, souhaitant se consacrer pleinement au journalisme, Boin obtient son passage dans les cadres de réserve de l'aviation militaire. Commence alors une nouvelle carrière tant sur le terrain qu'au niveau de direction des nombreuses associations qu'il aide à mettre sur pied. Il collabore à la rédaction de diverses revues, périodiques, quotidiens belges et étrangers.

Après une dernière participation en 1924 aux Jeux Olympiques de Paris, (il a à ce moment 38 ans) Victor Boin décide de mettre l'épée au fourreau.

Dans le monde de l'aviation, l'aviateur journaliste Boin devient rapidement une référence. On lui confie la direction de la « Conquête de l'Air », organe officiel de l'Aéro-club Royal de Belgique depuis 1904.

Grand amateur des sports moteurs, Victor Boin collabore également à l'organe officiel du Royal Automobile Club de Belgique « Royal Auto ».

Comme reporter radio, il est un des premiers à effectuer, dans le domaine du sport, des émissions en plein air.

En juin 1913 déjà, il avait été à la base de la création de l'Association Professionnelle Belge des Journalistes Sportifs (APBJS), association dont il assumera la Présidence de 1923 à 1935.

Au niveau international, il assiste en 1924 au premier congrès de l'Association Internationale de la Presse Sportive (A.I.P.S.) à Paris et en est nommé vice-président. En 1932, il devient président de cette association, fonction qu'il occupera pendant 24 ans.

Il gardera le contact avec le monde de l'aviation par le biais de baptêmes de l'air (qu'il organise notamment pour ses collègues de la presse sportive), et de causeries avec les pionniers de l'aéronautique, Blériot et Mermoz avec lesquels il entretient des contacts privilégiés.

Nommé capitaine dans le cadre de réserve en décembre 1929, Victor Boin n’hésite pas à faire un premier rappel en 36, et à sa demande, en septembre 38, à reprendre du service comme commandant de la 7ème escadrille. Il a à ce moment 53 ans ...

Le 28 août 1939, il est mobilisé dans les Troupes Auxiliaires d'Aéronautique à Evere et occupe une fonction au service des Sports à l'Etat-Major Général.

En mai 1940, il gagne avec sa section le Sud de la France. Le 2 août, de Sembas (Agen), il adresse un courrier au Ministre de la Défense en vue d'obtenir sa démobilisation sur place. Quelques jours plus tard, c'est chose faite.

En janvier 1945, on lui signifie qu’il a, par limite d'âge, cessé de faire partie des cadres de réserve de l'Armée depuis le 31 mars 43 (donc rétroactivement).

S.A.R. le Prince Régent, lui accorde à cette même date, l'autorisation de porter le grade de major de réserve honoraire.

Pendant l’occupation, Victor Boin n'a eu aucune activité journalistique. Cela lui vaudra après guerre, la Médaille de la «Plume Brisée »

Son épouse Jeanne étant décédée en 1942, Victor Boin se remarie en 1944 avec Yvonne Blanche.

Après-guerre, Victor Boin replonge dans la vie journalistique. Il assiste au grand début de la télévision et participe activement aux émissions de l'INR.

Mais toutes ces années, sa passion pour l’aviation est restée intacte. Il se lance dans le vol à voile, discipline qu'il a découverte peu avant la guerre et crée à la fin des années 50, un prix qui porte son nom.

En 1954, Victor Boin se voit attribuer par la Fédération aéronautique internationale le diplôme « Paul Tissandier 1954 ». Ce diplôme est décerné aux aviateurs qui «par leur action, leurs travaux, leurs initiatives, leur dévouement ont bien servi la cause de l'aviation en général, et de l'aviation privée et sportive en particulier».

Ses exploits au niveau du sport olympique, sa connaissance du monde sportif en tant que chroniqueur averti en font un candidat idéal pour reprendre la Présidence du Comité Olympique belge. Ce sera chose faite en 1955.

En février 1960, Victor Boin fonde la Fédération Sportive belge des Handicapés. Son but est de favoriser et régir la pratique du sport par les personnes atteintes d'une déficience physique, motrice ou sensorielle.

En 1974, année du décès de Victor Boin, le «Trophée National Victor Boin» est créé en mémoire du président fondateur, en vue de récompenser le meilleur sportif handicapé de l'année.

III. Les Faits Marquants

Le Sportif de très haut niveau

Remporter trois médailles olympiques dans des disciplines aussi différentes que le water-polo et l’escrime est sans aucun doute un exploit peu courant. Quand on sait de plus qu’il brillait dans d'autres domaines (notamment arts martiaux et sports moteurs), on se rend compte que Victor Boin était doté d'une faculté d'adaptation tout à fait exceptionnelle.
En prononçant comme premier sportif olympique, le serment imaginé par Pierre de Coubertin, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux à Anvers en 1920, Victor Boin est entré dans la légende et fait partie depuis lors du patrimoine olympique ... Prochainement, les souvenirs les plus divers, les peintures, médailles, diplômes, coupes ayant appartenu à Victor Boin seront exposés au musée du Comité Olympique interfédéral belge à Hofstade (Malines), à l'occasion du 100ème anniversaire du COIB

L'aviateur militaire au cours de la Guerre 14-18.

Ce héros des temps modernes n’a pas hésité à rejoindre les forces alliées et combattre l'ennemi dans un environnement totalement nouveau, à savoir une escadrille maritime et faire ainsi incontestablement oeuvre de pionnier.
Accompagné d'un observateur et d'un mitrailleur, (l'hydravion Schreck est équipé d'une mitrailleuse Lewis et peut emporter deux bombes de 50kg), le pilote avait pour tâche de repérer des mines marines. 150 de ces engins furent ainsi détruits. La seconde mission, tout aussi importante, consistait à assurer l'escorte des transports maritimes. Les cercles de protection décrits par l'aéronef obligeaient le submersible ennemi à se tenir à distance respectueuse.
Les Allemands ayant mis en service d'excellents hydravions de chasse opérant à partir des bases de Zeebrugge et Ostende, le travail des aviateurs n'étaient pas exempt de dangers, d'autant plus qu'une panne risquait toujours d'avoir de sérieuses conséquences si les naufragés n’étaient pas rapidement repérés.
Victor Boin, comme précisé précédemment, s'est vu décerner de nombreuses décorations. L'une d'elles, la Croix de Guerre belge lui fut octroyée pour avoir participé en compagnie de son fidèle observateur et ami Jacques Ochs, à la destruction d'un sous-marin ennemi dans la mer du Nord, fait d'armes officiellement homologué par l'Amirauté française.
Après-guerre, l'Ordre de la Couronne lui fut également octroyé. Le libellé du motif fut rédigé de la façon suivante: « Volontaire de guerre. Marié et père de famille. Pilote habile, adroit, ponctuel et régulier. Á différentes reprises, a effectué trois reconnaissances en une journée ; à maintes reprises n'a pas hésité à porter secours à des camarades français tombés dans les eaux ennemies et a signalé à 7 reprises des mines en dérive dans les eaux anglaises. A fait preuve à l'escadrille d'hydro planes, de remarquables qualités de courage, d'abnégation et de haute conception du devoir ».

Le journaliste sportif et d'aviation.

Dans ce domaine également, on peut parler d'un véritable travail de pionnier. Il assiste aux débuts de la radio, et est présent lors des premiers reportages télévisés.
Il est aussi à l'aise derrière un micro, une caméra que dans un fauteuil de rédacteur en chef ... Homme de terrain, gestionnaire apprécié et écouté, Victor Boin semble réussir tout ce qu’il entreprend.
Comme journaliste aéronautique, il fera également oeuvre de pionnier en dirigeant pendant plusieurs décades la prestigieuse revue d’aviation : « La Conquête de l'Air».

L'officier patriote

Comme on peut le lire dans sa biographie, Victor Boin se porte volontaire en 14-18, mais n'hésite pas, dès 1936, à effectuer des rappels dans le cadre de la réserve tout simplement parce qu' il estime encore pouvoir rendre service à la patrie.

L'homme de coeur

Parmi ses nombreux amis et connaissances, Jacques Ochs occupe sans aucun doute une place particulière. Equipier de la première heure, Jacques Ochs de confession juive, a été arrêté dès novembre 1940 et incarcéré à Breendonk. Grâce à Victor Boin qui réussit à lui passer crayons et papier, Jacques Ochs prendra des dizaines de croquis de ses compagnons d’infortune et de ses tortionnaires. Il sera libéré quatorze mois plus tard, grâce à l’intervention de Victor Boin. Dans le livre de Jacques de Launay « La Belgique à l'heure allemande », ce fait est relaté de la façon suivante :
« (L’Amiral) Canaris avait coutume de déjeuner au Savoy.( ... ) Un jour il voit arriver vers lui deux belges, Pierre de Soete et Victor Boin, qui lui exposent ce qui suit :
« Le peintre et caricaturiste Jacques Ochs, arrêté comme juif sur dénonciation, est interné à Breendonk depuis novembre 1940. C'est un artiste inoffensif mais plein de talent. Tout au plus, peut-on lui reprocher certaines caricatures antinazies d'avant-guerre. Ne peut-on le libérer ? » Ce sera chose faite le 20 février 1942.
Victor Boin sera également à la base de la création en 1943 des «Jeunesses Musicales» dans le but d'éviter aux jeunes d’être envoyés en Allemagne.

Dans la relation des nombreux mérites de Victor Boin, on retiendra sans aucun doute également sa préoccupation pour les handicapés. Il fut l'un des premiers à comprendre que le sport pouvait apporter d'énormes satisfactions à tous ceux qui, depuis leur naissance ou à la suite d'un accident, sont exclus des activités réservées aux seuls valides. Le prix qui est décerné chaque année au meilleur sportif handicapé de l'année est comparable, toute proportion gardée, à celui du Mérite Sportif attribué annuellement au meilleur sportif belge.

L'homme du monde

Tout au long de sa vie, Victor Boin comptera de nombreux artistes et musiciens parmi ses amis intimes, les violonistes Eugène Ysave et Jacques Thibaud, Sacha Guitry, et Maurice Chevalier pour n'en citer que quelques-uns...
Dans ses fonctions de Président du Comité olympique belge, il aura l'occasion de parcourir la planète et de rencontrer tous les grands de ce monde.
Du vol royal effectué au cours de l'été 1918, il restera des liens très forts entre nos souverains et Victor Boin. Les nombreuses photos dédicacées et cartes postales qui lui parviendront au cours des années qui s’en suivirent en sont des témoignages touchants.

La mémoire

Grâce à son fils Camille et son petit-fils Roger, la mémoire de Victor Boin reste bien vivante. Un petit musée, rue de Livourne, à Bruxelles, permet de découvrir toutes les facettes de l’homme flamboyant qu’était Victor Boin. Il en va de même du site internet qui permet de mieux cerner ce personnage hors du commun, d'un éclectisme sans pareil dans des domaines aussi divers que le sport, l'aviation et les médias.

IV. Bibliographie

Dossier militaire de Victor Boin
Centre historique de la Défense - Bruxelles

Documentation du Musée de l’Armée et d'Histoire militaire –
Section Air et Espace

Site internet dédié à la vie de Victor Boin: www.victor-boin.com

Collection privée de Roger Boin
Rue de Livourne 66 - 1000 Bruxelles

Jacques De Launay, La Belgique à l'heure allemande
Paul Legrain Editeur. Bruxelles, 1977

Victor Boin, La Nation belge, p.4, rubrique « En marge », article intitulé: Les six mois. 1922

Théo Mathy, Dictionnaire des Sports et Sportifs,
Paul Legrain. Bruxelles, 1982

Plaquette éditée à l'occasion du 75ème anniversaire de la création de l'APBJS, 1982

Roland Renson, La VIIème Olympiade – Anvers 1920. Les Jeux ressuscités
Comité Olympique et Interfédéral Belge, 1995

Pierre Gérard. Le Sportif 70, 1972

V. Album de photos

Pour l’album : cliquez ici