Les vieilles tiges de l'aviation belge

Léon Divoy, officier-aviateur, évadé de guerre par les airs, pilote à la Royal Air Force, prisonnier de guerre, pilote à la Force Aérienne et à la Sabena

Michel Mandl et Guido Wuyts

I.  La personnalité

Né à Oisy près de Bouillon, le 18 février 1916.
Décédé à Uccle, le 7 février 1977.
Commandant Aviateur à la Force aérienne.
Commandant de bord Sabena.

Sa carrière

Après avoir effectué ses humanités au petit séminaire à Bastogne, suivi d’une année de spécialisation en mathématiques à Malonne, Léon Divoy entre le 1 mars 1938 à l’Ecole de pilotage de l’Aviation militaire à Wevelgem et en sort avec le brevet de pilote militaire, le 26 mars 1939.

Première affectation: la 3ème escadrille d’observation à Tirlemont.

Détaché à l’École d’Armes à Brasschaat en vue d’une promotion au grade de sous-lieutenant, Divoy rejoint son unité le 10 mai 1940. Il participe à des missions d’observation au cours de la campagne des 18 jours

Au moment de l’armistice français, Divoy est en France, près de Tours. Il rejoint la Belgique avec son unité.

Comme plusieurs de ses compagnons d’armes, Léon Divoy souhaite continuer la lutte contre l’agresseur. Pour rejoindre l’Angleterre, il imagine une solution pour le moins originale: ce sera par les airs.

Avec l’aide de son compagnon de promotion, Mike Donnet, et de nombreux bénévoles oeuvrant dans la clandestinité, Léon Divoy parvient à remettre en état de vol un SV-4. Cet appareil a été remisé par son propriétaire, le baron Thierry d’Huart, dans un hangar près de son château de Ter Block, dans la forêt de Soignes

Dans la nuit du 4 au 5 juillet 1941, à l’insu de son propriétaire, et bien que la propriété soit occupée par les Allemands, Léon Divoy et Mike Donnet parviennent à décoller après maintes péripéties, de la prairie du château. Ils atteignent les côtes anglaises et atterrissent dans un champ, à Thorpe-le-Soken (Essex). Ils ont réussi leur évasion et ce faisant, ils ont écrit une des plus sympathiques et courageuses histoires de l’aviation militaire belge.

Nommé Pilot Officer à la RAF le 26 juillet 1941, Divoy est versé après six semaines d’OTU (Operational Training Unit) à Heston près de Londres, dans une escadrille opérationnelle: le 64 Squadron, stationné en Ecosse près d’Edimbourg.
Début novembre, le 64 Squadron se déploie à Hornchurch, aux portes de Londres.
Le 8 décembre 1941, Divoy effectue sa première mission opérationnelle.
Le 4 avril 1942, il est contraint de sauter de son appareil au dessus de la France, dans la région de St-Omer, à la suite d’une collision avec un autre Spitfire. Fait prisonnier par les Allemands, il passera près de trois ans d’incarcération en Silésie.
Lors de sa libération par les troupes britanniques, début mai 1945, Divoy s’empresse de rejoindre Londres. De retour en Belgique, de 1946 à 1951, il participe à la mise sur pied de la Force Aérienne naissante.
Au mois d’août 1950, Divoy obtient le commandement de la 349ème escadrille qui vole sur Meteor F4 à Beauvechain.
Le 1 juillet 1952, Léon Divoy quitte la Force Aérienne pour rejoindre la Sabena.
Après avoir volé sur DC-4, DC-6, et Convair, Léon Divoy termine sa carrière comme commandant de bord Caravelle. En 1972, il fait ses adieux à l’aviation avec un total de 16.000 heures de vol.

II. Biographie

L’étudiant passionné de mécanique

Léon Divoy est le fils de Jules Divoy et de Julie Monfort.
Après des études au petit séminaire à Bastogne, Léon Divoy effectue un an de spécialisation en mathématiques à Malonne, en vue de se préparer au concours d’entrée à l’Aviation militaire. Tout comme son père, maréchal-ferrant à Oisy, Léon est un passionné de la mécanique, mais, comme pas mal de jeunes, il n’a qu’un souhait, devenir pilote…

Léon Divoy et l’Aviation militaire – La campagne des 18 jours

Ayant réussi l’examen A de sous-lieutenant de l’Active, Léon Divoy entre à l’École de Pilotage de Wevelgem, le 1 mars 1938 avec le grade de caporal. Il en sort breveté pilote militaire le 26 mars 1939 avec le grade de sergent pilote. Il est versé à la 3e escadrille d’observation qui dispose de 12 Fairey-Fox, à Tirlemont.
Détaché le 1 mars 1940 avec son compagnon de promotion Mike Donnet à l’École d’Armes de l’Aviation militaire à Evere pour y suivre les cours en vue de la nomination de sous-lieutenant de l’Active, Léon Divoy rejoint son unité le 10 mai 40, afin de participer aux opérations de guerre. En huit jours, l’escadrille effectue seulement onze missions. Des douze avions, cinq sont descendus. Le 18 mai 1940 ce qui reste de la 3ème escadrille est évacué vers la France.
Au moment de l’armistice français, Divoy se trouve près de Tours. Suivant les ordres du Ministre de la Défense, il rentre en Belgique avec son unité.

L’évasion en SV-4

Cet épisode est développé dans le chapitre "Fait marquant".

L’accueil à Londres

Après leur évasion, le soir même de leur arrivée sur le sol britannique, Divoy et Donnet sont conduits à Londres à la Patriotic School, le refuge des étrangers. Ils y bénéficient de trois jours d’hospitalité bienveillante et d’interrogatoires serrés.

Exténués, ils quittent la Patriotic School pour se rendre à l’Ambassade de Belgique à Eaton Square, surnommé le "Shake Hand Square"… Ils y rencontrent l’Attaché de l’Air dont ils ne garderont pas vraiment un grand souvenir.

Se succèdent ensuite des interviews avec la presse, plusieurs rencontres avec les autorités du Gouvernement belge en exil à Londres (entre autres Paul-Henri Spaak et Camille Gutt avec lequel Divoy restera en contact) et une visite au Ministère de l’Air britannique qui fixera leur destinée pour les mois à venir. Lors de l’interview à l’Air Ministry avec le Flight Lieutenant White, Divoy insiste sur leur ardent souhait de voler en Spitfire et non en Hurricane comme il en est question. Par mesure de faveur et étant donné que les deux pilotes ont été reconnus aptes médicalement, le Flight Lieutenant White obtient l’accord de ses autorités pour une mutation sur Spitfire.

Commissionnés Pilote Officer (sous-lieutenant) de la RAF, Divoy et Donnet entrent le 26 juillet 1941 à l’OTU à Heston dans la banlieue Ouest de Londres. Ils effectuent quelques tours de transition sur Miles Magister et sont lâchés sur Spitfire Mk1, avion de chasse monoplace … donc pas question de vol en double commande ! En Belgique, ni Divoy ni Donnet n’ont volé sur un avion de cette catégorie.

Tous deux vivent un rêve. Il leur est difficile de croire que c’est là chose possible. Quelques heures ont suffi pour transformer de jeunes militaires belges en pilotes de la RAF.

Première affectation opérationnelle et premiers combats

Après une quarantaine d’heures en Spitfire, dès le 6 septembre, soit deux mois après leur évasion, le Pilot Officer Léon Divoy et Mike Donnet sont affectés au 64 Squadron basé à Thurnhouse, près d’Edimbourg. Le vol occupe la première place dans leur emploi du temps. Ils effectuent deux à trois missions par jour : entraînement au combat, vols en formation, vols dans les nuages et vols de nuit.

Début novembre, l’escadrille fait mouvement vers le Sud, à l’aérodrome de Hornchurch aux portes de Londres pour y voler sur les Spitfire V, plus modernes. Commence alors une période intensive d’entraînement, afin d’amener l’escadrille au niveau des unités les plus aguerries. Les premières missions opérationnelles consistent à protéger les convois de bateaux sortant de la Tamise. Par la suite, l’escadrille effectuera des missions offensives. Il s’agit d’incursions en territoire occupé par l’ennemi ainsi que de missions d’escorte de bombardiers légers.

Le 8 décembre 1941, Divoy effectue sa première mission d’escorte de "Hurribombers" (Hurricanes munis d’une grosse bombe) chargés de bombarder une usine à Hesdin près de Boulogne. À la radio, le contrôleur radar annonce la proximité d’avions ennemis en grand nombre. Divoy se colle à son leader. Après le bombardement, c’est le retour à la base en poussant à fond la manette des gaz. Au passage de la côte française, la Flak se déchaîne…mais personne n’est touché. Quand Divoy arrête son avion devant le « dispersal », même s’il n’a pas été en contact direct avec les "Huns", il a le sentiment d’y "avoir été".

Au cours d’une nouvelle mission dans la même région quelques semaines plus tard et sous la direction d’un ancien de la Battle of Britain, le Squadron Leader Duncan-Smith, Divoy faillit entreprendre le grand voyage vers l’au-delà.

Après un engagement avec plusieurs Messerschmitt 109, Divoy est touché par l’un d’eux au moment où lui-même pense tenir sa première victoire. L’aileron droit endommagé, l’avion devient quasi incontrôlable. Heureusement, les appareils allemands ont quitté la zone. Plus l’ombre d’un avion dans les environs. Il lui reste à retraverser le Channel. Privé de radio et avec une douleur cuisante à la jambe, Divoy parvient à rejoindre Southend. La piste de gazon est en vue, mais son train d’atterrissage refuse de sortir. Ce sera donc un "belly landing" (atterrissage sur le ventre).

Au cours des tentatives infructueuses de sortie du train, il voit sous lui un autre Spit sortir du terrain en accrochant un véhicule de piste. Divoy réduit les gaz, l’avion flotte, l’hélice laboure le gazon faisant brutalement arrêter l’appareil. Le choc est violent. Après quelques jours passés à l’infirmerie, Divoy est de nouveau bon pour le service.

Les missions se succèdent sans relâche. Le moral a des hauts et des bas: on salue les victoires des pilotes de l’escadrille, mais parfois au retour de mission, les pertes sont lourdes. Des copains, des amis manquent régulièrement à l’appel. C’est le cas de Jean Offenberg, le 21 janvier 1942, lors d’une collision en phase d’atterrissage à Digby. Il était de la même promotion que Divoy et Donnet, la 77ème à Wevelgem. Comme eux il avait choisi la voie des airs pour s’échapper de France et rejoindre le Maroc avec Alexis Jottard à bord d’un Caudron Simoun.

La chance n’est pas au rendez-vous…

Le 4 avril 1942 à l’aube, Divoy effectue une nouvelle mission dans la région de St-Omer. Donnet fait partie de la formation. Tous deux volent comme "numéro deux" dans des sections différentes. Soudain, venant de la gauche, deux appareils plongent sur la formation. Dans son livre "J’ai volé la liberté" qu’il publie deux ans après le "Cap 300" de Léon Divoy, Donnet raconte : "En fait, ce sont deux Spitfire. Le premier passe entre nos deux sections. Le deuxième suit aveuglément. Dans l’espace d’une seconde, je vois cet avion percuter un de nos appareils. C’est celui de Divoy ! L’avion explose. La queue se détache, tandis que le reste de l’appareil disparaît de mon champ de vision".

La collision a eu lieu à 7000 m d’altitude. L’avion, du moins ce qu’il en reste, s’est mis sur le dos en piqué. Divoy doit se rendre à l’évidence: l’avion est devenu incontrôlable. Il est temps d’agir. La poignée de sortie de secours (emergency exit) ne fonctionnant pas, Divoy parvient à briser le canopy d’un coup de coude violent. L’instant d’après, il se trouve projeté hors de l’habitacle. En chute libre et ayant perdu toute notion d’altitude, il tire immédiatement la poignée d’ouverture du parachute. Le pilote de l’avion tamponneur n’a pas eu cette chance. Il aurait pourtant sauté en parachute en mer, près du Cap Gris-Nez, mais n’a pas été retrouvé.

Le cœur battant la chamade, Divoy voit se rapprocher le sol. Il va atterrir en France ! Pour lui, la guerre est sans doute terminée. Il sent des larmes lui couler sur les joues, car il pleure son rêve évanoui. Tout est fini, tout est réduit à l’état de souvenirs. Il a une pensée pour l’autre pilote, le camarade qui a coupé son Spit en deux. S’en est-il tiré ?

Dès qu’il est au sol, Divoy essaye de quitter les lieux pour échapper aux Allemands. Mais c’est peine perdue. Sa jambe droite le fait énormément souffrir et dans l’heure qui suit son "atterrissage", il est repéré et emmené sous bonne garde à la Kommandantur de Spyker près de Dunkerque. Constatant qu’il a la jambe fracturée, les Allemands conduisent Divoy à l’hôpital de Saint-Omer où il sera plâtré.

L’incarcération en Allemagne

Quelques jours plus tard, il est embarqué dans un train avec tout qui peut marcher, se traîner ou se tenir debout. Destination: Dülag Lüft en Thuringe. Il n’y reste que trois semaines. Nouvelles destinations: le Stalag III en Silésie, réservé aux aviateurs et devenu célèbre par la suite grâce au film hollywoodien: "La Grande Evasion".

 Léon Divoy ne doit sa vie qu’aux conséquences d’un tirage au sort ! En effet, le premier contingent de candidats de cette spectaculaire évasion qui se situe en mars 1944, fut tiré au sort et Divoy ne faisait pas partie du lot. Des 76 évadés, trois réussiront à rejoindre les Alliés. 50 d’entre eux seront passés par les armes. "Ils" avaient osé l’impensable.

Parmi le millier de prisonniers, en majorité britanniques, quelques Belges: Vicky Ortmans, (un ancien de la Bataille d’Angleterre), et Bobby Laumans, repêché dans la Manche par les Allemands après avoir séjourné trois jours et trois nuits dans son dinghy.

Laumans figurait sur la liste des candidats à l’évasion. L’alerte ayant été donnée, il ne parvint pas à s’échapper. Quant à Henri Picard, autre pilote repêché dans la Manche par les Allemands, il faisait partie des 76 évadés. Repris, il fut assassiné par la Gestapo.

Les jours s’écoulent monotones et lents. Les mois et les saisons se succèdent. Rien n’en fixe le souvenir.

Enfin, au mois de février 1945, après trois ans d’incarcération en Silésie, les "Kriegies", comme ils s’appellent, quittent leur Stalag dans la précipitation la plus totale. Destination: un camp de prisonniers près de Brême. Après plusieurs jours de marche, par moins 20°, ils arrivent à Dresde. Le voyage vers Brême s’effectue dans des wagons à bestiaux, sans nourriture et sans eau. De ce camp, qui ne dispose d’aucun équipement, les prisonniers assistent en première loge aux bombardements de Hambourg et Brême. Le 2 mai 1945 enfin, ayant refusé pour la énième fois de faire mouvement vers le Nord et de se laisser à nouveau enfermer, les aviateurs sont libérés par deux chars Comet des troupes de Montgomery.

La fin des hostilités

Cinq jours plus tard, Divoy atterrit à Bruxelles. Après une visite éclair à la famille, il se retrouve, le 11 mai 1945, à Londres, pour reprendre du service. Après un passage à Eaton Square où l’accueil est particulièrement décevant, il fait un saut à Bentwaters, dans son escadrille: la 64 où il retrouve son meilleur ami Donnet, devenu Wing Commander (lieutenant-colonel).
Quelques semaines plus tard, le 7 juillet 1945 dans la matinée, Divoy et Donnet décollent de Bentwaters à bord du SV4 de leur évasion, à destination de Bruxelles. Ils sont invités par les autorités de l’Aéronautique et de l’Aéroclub Royal de Belgique qui souhaitent les mettre à l’honneur. Cette fois c’est Donnet qui est aux commandes. A leur arrivée à Evere, ils sont conduits à la Maison des Ailes où les attendent leurs parents, leurs amis et surtout Miche Janssens, l’organisateur de cette réception. Quelques instants plus tard, un verre de champagne à la main et entouré des siens, Léon Divoy se dit que la vie est belle …
Ensuite les années passent, fascinantes mais aussi dangereuses pour les aviateurs de la nouvelle Force Aérienne belge, victimes d’un grand nombre d’accidents dus à des problèmes d’encadrement et à la vétusté du matériel (des surplus de la RAF).
Nommé commandant, Divoy obtient en août 1950, le commandement à Beauvechain de la première escadrille équipée de Meteor F4 (premier avion à réaction de notre aviation militaire) : la 349. Ce sera son bâton de maréchal…à la Force Aérienne.

Léon Divoy et la Sabena

Deux ans plus tard, le 1 juillet 1952, Léon Divoy quitte les Forces armées et rejoint la Sabena où bon nombre d’anciens de la RAF l’ont déjà précédé.
Avec sa grande expérience d’aviateur militaire, Divoy gravit rapidement les différentes étapes de pilote civil dans la compagnie nationale et devient commandant de bord sur Caravelle après avoir volé sur DC-4, DC-6 et Convair. C’est un commandant apprécié pour son grand professionnalisme, "au caractère très dur, cassant voire même épouvantable" comme le précisera un de ses anciens collègues et amis, l’officier mécanicien André Hauet avec qui il effectua plusieurs centaines d’heures de vol.
Après avoir sillonné les cieux d’Europe pendant 20 ans, il termine sa carrière en 1972, avec un total de 16.000 heures de vol.

La retraite

À la pension, Divoy tourne définitivement la page "aviation" et se partage entre l’atelier de bricolage dans sa villa d’Uccle et sa fermette ardennaise où il possède un autre atelier.
En fait, n’est-ce pas grâce à son talent de bricoleur que Léon Divoy est entré dans la légende ? Le cercle est bouclé.
Il décède à Uccle le 7 février 1977, entouré des siens, après une vie d’une grande intensité.

1991: le 50ème anniversaire

Le 50ème anniversaire de l’évasion a fait l’objet de plusieurs articles dans la revue des "Amis du Musée Royal de l’Armée". Pierre Haegeman, qui a bien connu Léon Divoy à la Sabena, en est l’auteur. Á cette occasion, il a voulu rendre hommage à Léon Divoy et Mike Donnet en peignant leur décollage du château de Ter Block. Cette peinture est actuellement bien mise en valeur dans le hall d’entrée du Wing Météo à Beauvechain.

III. Fait marquant: l’évasion

Pour Léon Divoy, de retour en Belgique, après la capitulation, c’est le désœuvrement. Plusieurs de ses compagnons continuent la lutte en Angleterre au sein de la Royal Air Force.

Pour rejoindre l’Angleterre, il cherche une ligne d’évasion, mais ceci s’avère difficile en 1941. Aussi songe-t-il à construire un avion, à partir d’un moteur Gnôme et Rhône en sa possession. Mais il lui manque l’hélice. Depuis 1941, il est en contact avec Mike Donnet, un compagnon de promotion. Ils se rencontrent régulièrement. Toujours à la recherche d’une hélice, Divoy apprend par hasard à Bruxelles par le comte Élie d’Ursel, pilote de la 5e escadrille à Nivelles, que son cousin le Capitaine aviateur de réserve Thierry d’Huart possède un SV4 (Stampe-Vertongen, avion d’école de fabrication belge). Pendant la mobilisation, cet appareil a servi comme avion de liaison et est donc en parfait état de vol. Son propriétaire l’a remisé dans un hangar près de son château de Terblock, au lieu dit Notre-Dame de Bonne Odeur, commune d’Overijse. Lui-même séjourne en Ardennes, son château ayant été réquisitionné par les Allemands.



Le SV4 du Baron d(Huart devant son hangar en 1939

Le soir même de cette rencontre providentielle avec le comte d’Ursel, Divoy contacte son ami Michel Donnet et c’est ensemble qu’ils ébauchent un plan d’action. Deux jours plus tard, Donnet, son frère Marc et deux amis, les frères Valcke se rendent sur place pour une première reconnaissance. Le hangar fermé à clé et cadenassé se trouve à moins de 300 m du château et les Allemands occupent effectivement les lieux…

Á l’aide des empruntes des serrures, des clés sont confectionnées. Quelques jours plus tard Divoy et Donnet se retrouvent dans la propriété de Terblock. Ils parviennent à pénétrer dans le hangar et découvrent un splendide appareil aux cocardes belges. Malheureusement, Thierry d’Huart a pris la précaution d’ôter tous les instruments de bord. Qu’à cela ne tienne, leur décision est prise : ils s’évaderont avec cet appareil. Encore faut-il trouver des instruments et surtout, du carburant…

 C’est le début d’une aventure qui va durer trois mois et nécessite une quinzaine de visites nocturnes au hangar. La coopération est parfaite et l’équipe Divoy-Donnet est complémentaire.

Léon Divoy se met en chasse pour trouver des instruments et après quelques jours de recherche prudente, il met la main sur un altimètre d’alpinisme, chez un opticien de Saint-Gilles. Peu après, il achète un superbe compas de navigation marine ainsi qu’une boussole de voiture pour le copilote.

Avec l’aide d’un ami pharmacien, il confectionne un indicateur de pente (variomètre) et un indicateur de virage.

Son oncle, électricien à Ixelles, monte le tout sur deux panneaux qui constitueront un tableau de bord de fortune. Léon Divoy parvient de plus à modifier un silencieux de voiture pour le monter sur l’appareil. Il bricole un indicateur de vitesse à l’aide d’une planchette et d’un ressort à boudin et le teste sur la voiture d’un ami.

De son côté, Michel Donnet n’est pas resté inactif. Grâce à ses relations aux « Secours d’hiver » et avec la collaboration d’un caporal allemand, il réussit à détourner cent litres d’essence avion, puisés dans les réserves de la Luftwaffe.

Après plusieurs faux départs, le premier dû au vol du carburant et au fait que les Allemands méfiants aient changé le cadenas, le second faux départ, par erreur de manipulation des conduites d’essence, ayant rendu impossible le démarrage du moteur, l’envol réussira finalement dans la nuit du 4 au 5 juillet 1941. Le succès de leur évasion sera en grande partie dû à l’aide efficace de « Miche » Janssen que Divoy avait contacté après le vol de l’essence. Cet officier-aviateur de réserve, ingénieur en chef chez Traction Electricité, s’était dès septembre 1940, investi dans la résistance.

En trois semaines, il parvient à trouver 200 litres d’essence de véhicule, à les distiller pour en faire du carburant avion, et à les transporter dans sa voiture jusqu’à proximité du hangar.

Enfin, le 4 juillet, il conduit Divoy et Donnet à Ter Block et les accompagnent jusqu’au hangar. C’est encore lui qui lance le moteur après avoir confié du courrier pour les autorités britanniques, entre autres des plans et photos de tous les aérodromes allemands en Belgique.

A deux heures quarante du matin, le SV4 de Thierry d’Huart, le moteur à peine démarré, décolle de la pelouse du château avec Léon Divoy aux commandes. L’avion frôle les hautes branches d’un arbre en bout de plaine. Le terrain était vraiment petit. Cap 300 degrés vers la liberté, vers l’Angleterre.

Ce récit, Léon Divoy l’a publié 25 ans plus tard dans un livre intitulé "Cap 300", préfacé par un autre grand monsieur de l’aviation belge, Willy Coppens d’Houthulst.

  

Après 2 h 40 de vol et beaucoup d’émotions dues à plusieurs ratés du moteur (givrage, saletés dans l’essence, ils ne l’ont jamais su), le petit biplan se pose dans un champ, à Thorpe-le-Soken, près de Clacton-on-Sea, dans le comté d’Essex.

Divoy et Donnet ont réussi un exploit qui constitue une des plus sympathiques et courageuses histoires de notre aviation militaire.

En 1951, dix ans après l’évasion de Divoy et Donnet, un monument a été érigé près du château de Terblock. La pierre qui commémore l’événement a été dévoilée par le président des évadés de guerre, Monsieur Fourmanoit. Quelques années plus tard, à l’occasion d’une réception en l’honneur de Léon Divoy et Mike Donnet à la Maison des Parachutistes à Bruxelles,Camille Gutt qui avait tenu à être présent, prit la parole en ces termes :

"L’exploit de mes compatriotes passera à la postérité comme le symbole même de l’indomptable caractère des Belges, de leur ingéniosité dans l’audace et de leur droit au respect de tous".

IV. Bibliographie

  • Dossier de Léon Divoy : Archives de la Défense nationale, Evere.
  • Léon Divoy, Cap 300, Bruxelles, P. De Méyère, 1965.
  • Michel Donnet, J’ai volé la liberté, Paris, Dargaud, 1968.
  • La Libre Belgique, Le commandant Léon Divoy, 27 juillet 1975.
  • Pierre Haegeman, Le bulletin du Musée Royale de l’armée, n° 70-1991 et 76-1992.
  • Michel Donnet, Envols pour la liberté, Bruxelles, Ed Racine, 1994.
  • Gustave Rens, Guy Weber, Willy Deheusch, Évasions de guerre, Braine- l’Alleud, J-M Collet, 1995.
  • Michel Donnet, Les aviateurs belges dans la RAF, Bruxelles, Ed Racine, 2006.

La prairie du château Terblock d'où ils décollèrent

V. Annexe - L'album de photos

Le caporal élève pilote Divoy avec sa fiancée

Le SV4 après son arrivée à Thorpe-le-Sokem

A la Royal Air Force:

Prisonnier de guerre au Stalag Luft III à Zagan (Silésie):

Le SV4 aux couleurs de la RAF et son immatriculation (MX57) exposé au Parc du Cinquantenaire le 20.07.1945

Le Flight Lieutenant Divoy et son épouse, à côté d'un SV4

A la Force Aérienne:

Le capitaine Divoy devant un Spitfire XIV:

Le commandant d'escadrille Léon Divoy à bord d'un Meteor F4

A la Sabena: